Ce billet a été écrit en collaboration avec h16 et a été initialement publié sur son site Hashtable.
Cela fait un petit moment que se fait sentir le besoin d’un point sur l’état de l’art en matière de cryptomonnaies, et ce d’autant plus que semble terminée la longue léthargie des cours qui avait suivi leur dégringolade depuis janvier 2018…
Et durant ces derniers mois, même si l’actualité des cryptomonnaies n’a pas transpiré dans les journaux de la presse courante (elle avait d’autres chats plus dodus à traiter), il n’en reste pas moins que les communautés de développeurs et d’utilisateurs de ces nouvelles technologies les ont encore fait progresser. Un petit passage en revue s’impose donc.
Des cryptos décidément plus anonymes
L’un des principaux reproches qu’on pouvait faire aux cryptomonnaies était l’aspect ouvertement public de l’ensemble des transactions, au moins pour les plus célèbres d’entre elles : les opérations menées sur des protocoles comme Bitcoin, Bitcoin Cash, Ethereum ou Litecoin, sont en effet lisibles sur la blockchain correspondante ce qui nuit à la fongibilité des monnaies et l’anonymat des participants.
Ces problèmes trouvent actuellement un début de solution avec une amélioration notable de la confidentialité des transactions apportée soit par de nouveaux protocoles d’échanges (typiquement, c’est le cas de MimbleWimble qui a été implémenté depuis janvier par deux nouvelles cryptomonnaies, Grin et Beam, ou encore les transactions confidentielles qui pourraient voir le jour sur Litecoin), soit par l’introduction de nouvelles méthodes d’anonymisation des transactions à la volée (avec le développement, l’audit puis la mise en application de CashShuffle sur Bitcoin Cash par exemple).
Pour cette dernière méthode, moyennant l’usage d’un portefeuille qui dispose de cette option « CashShuffle » (comme ElectronCash par exemple), les transactions sont « mélangées » à d’autres pour rendre leur traçage sinon impossible au moins très compliqué. Au passage, notons le Wasabi wallet qui offre des possibilités très similaires pour Bitcoin.
Une autre amélioration fort attendue sur les plans de la sécurité, de l’anonymat de certaines transactions ainsi que de l’allègement des contraintes techniques des blockchains, est l’introduction des signatures de Schnorr pour Bitcoin Cash et pour Bitcoin. Dans le cas de Bitcoin Cash, cela a été introduit avec succès ce mercredi 15 mai, alors que l’implémentation pour Bitcoin tarde à venir. Le protocole de Schnorr permet essentiellement de réduire la taille des signatures cryptographiques utilisées pour sécuriser les transactions sur la blockchain, d’alléger le travail des nœuds du réseau en leur permettant de valider ces signatures en lots, et de fournir des moyens élégants de camoufler les utilisateurs de comptes multi-signatures et d’autres contrats autonomes.
Enfin, et toujours dans le registre des améliorations notables des techniques et protocoles des cryptomonnaies, mentionnons que les développeurs de deux d’entre elles au moins, Ethereum et Tezos, envisagent actuellement d’implémenter des mécanismes de preuves à divulgation nulle de connaissance (ZK-SNARK et ZK-STARK), là encore pour améliorer l’anonymat des transactions, à l’instar des mécanismes déjà présents pour ZCash : cette technique cryptographique donne par exemple la possibilité de garantir qu’une transaction est valide, sans pour autant divulguer les adresses des protagonistes de la transaction, leur permettant alors de conserver leur anonymat.
La tendance est là, bien présente et maintenant claire : à terme, la garantie de l’anonymat sera un passage obligé de toutes les cryptomonnaies sérieuses, pour des raisons évidentes de fongibilité et de résistance raisonnable aux attaques extérieures, qu’elles proviennent de personnes malveillantes ou, plus probable encore, du côté des États. À ce sujet, on ne pourra s’empêcher de noter que leurs régulateurs gagnent du terrain… Certains en sont même à proposer une interdiction complète des cryptomonnaies, pour faire bonne mesure :
Parallèlement à cela, toutes les plateformes d’échange de cryptomonnaies, qui, à un moment ou un autre, s’interfacent avec le système bancaire traditionnel (et les devises fiat étatiques) imposent maintenant la vérification complète de l’identité de leurs utilisateurs. Pire : même les plateformes qui n’ont pas cette contrainte, comme Binance, Poloniex, ShapeShift ou d’autres, font les démarches nécessaires afin de collecter les données personnelles de leur clientèle…
Des communautés mouvementées
Les cryptomonnaies, ce sont certes des technologies et des développements intéressants, mais ce sont aussi des communautés passionnées, à la limite de l’hystérie parfois, dont les membres n’hésitent pas à marquer fermement leurs opinions, pour le dire gentiment.
Il était donc logique qu’à côté de ces développements, l’année écoulée a été aussi le théâtre d’empoignades mémorables au sein de ces communautés qui auront abouti à de profonds remaniement du paysage des cryptomonnaies. Citons surtout l’épisode particulièrement tempétueux qui a agité la communauté Bitcoin Cash, traversée par un schisme entre – pour résumer – les tenants d’un développement suivant un plan annoncé de longue date et ceux désirant avant tout l’arrêt de tout développement du protocole, quitte à faire passer ce plan par dessus bord.
Ce schisme aura abouti, lors du fork de novembre 2018, à la création d’une nouvelle cryptomonnaie, le Bitcoin Satoshi Vision (BSV), dont l’avenir est encore très incertain actuellement. Entre la réputation particulièrement sulfureuse de ses têtes publiques (dont Craig Wright qui est, depuis, parti en croisade contre une bonne partie de la « cryptosphère » en assignant les uns et les autres en justice pour des motifs grotesques), la centralisation du minage et le retrait du BSV de la plupart des places de marché (comme Kraken ou Binance), on voit mal cette cryptomonnaie s’inscrire sur la durée.
Du reste, on peut raisonnablement argumenter que ce schisme violent dans la communauté Bitcoin Cash aura sinon provoqué, au moins largement aidé à la dégringolade des cours de toutes les cryptos observée courant novembre, faisant passer le prix du Bitcoin sous la barre symbolique des 6000 dollars.
Parallèlement, si du côté de Bitcoin Cash, on a pu observer pas mal d’agitation, on ne peut que remarquer, a contrario, le calme un peu mou de la communauté Bitcoin : l’adoption du réseau Lightning, qui devait accroître notoirement la capacité de traitement du réseau Bitcoin, reste fort modeste et encore sujette à de nombreuses difficultés, tant techniques que pratiques, à tel point que, concrètement, les frais de transaction continuent d’augmenter sur le réseau Bitcoin à chaque poussée des cours (ils dépassent maintenant régulièrement les 2$ pour chaque transfert).
Du côté d’Ethereum, la mise à niveau Serenity est toujours dans les tuyaux. Elle doit amener un paquet d’améliorations sur le protocole lui permettant d’augmenter les capacités de traitement (par sharding) et d’offrir un système à preuve d’enjeu (protocole Casper) qui remplacerait la preuve de travail comme c’est le cas actuellement. La complexité de ces évolutions impose un temps important de maturation et il est possible que l’année 2019 ne suffira pas pour venir à bout de ces gros morceaux.
En parlant de plateformes de smart contracts, on notera les progrès importants de Tezos (cryptomonnaie introduite au courant de l’année 2017), qui font qu’on peut raisonnablement le positionner comme capable de concurrencer Ethereum.
Conclusion
On le voit : les mois écoulés ont encore une fois donné des sueurs froides à tous les intervenants, qu’ils soient ou non investis financièrement, en temps ou en énergie, par leurs idées, développements ou prises de positions sur les réseaux sociaux et autres forums. La volatilité des cours ajoute à cette impression de bouillonnement vigoureux qui caractérise les très jeunes marchés et les domaines naissants où rien n’est figé et où tout est possible.
Cependant, bien qu’il y ait encore des règlements de comptes, des comportements douteux, des arnaques et des piratages en tous genres, l’écosystème apprend de ses erreurs et les protocoles évoluent au gré des circonstances extérieures. Grâce à cette capacité d’adaptation, il y a fort à parier que les cryptomonnaies puissent bien, en fin de compte, venir perturber le système étatico-bancaire, dont le monopole s’étend de jour en jour.
Les prochaines années promettent quoi qu’il en soit d’intéressants développements.
2 Responses
Bcash est un scam. Vous le savez, ça se voit dans les mensonges cachés dans l’article.
Schnorr n’a pas été introduit avec succès.
L’unique dev BCH a copié/collé du code et n’a rien créé.
Les applications Bcash mise en avant ont toute suivi les applications Bitcoin, pas l’inverse.
Et Schnorr permet bien de réduire la taille des signatures, mais c’est là une des applications les moins utiles qui en découle.
D’ailleurs vu que BCH ne veut que des frais proche de 0, la réduction de la taille des signatures ne devrait lui apporter aucun bénéfice non ?
Bref, je pourrais continuer longtemps sur les autres inepties mais ça ne servira surement à rien.
Vous parlez de l’implémentation de Purse.io ? Ou peut-être de Bitcoin Cash ? En quoi ça serait une arnaque ?
En fait si.
C’est Mark Lundeberg qui a fait l’essentiel du travail. En supposant que vous visiez Amaury Séchet, le développeur en chef de Bitcoin ABC, ça en fait au moins deux… Et c’est déjà bien de faire du « copier/coller » (en réalité c’est bien plus dur que ça), je ne vois pas le problème.
Si justement. En réduisant la taille des transactions (et en améliorant leur vérification), on optimise le protocole pour que le réseau puisse traiter plus de transactions en gardant le même degré de décentralisation.